Il passa une partie de la nuit dehors. Il dîna tard dans un bar de Triana en regardant le FC Séville étriller l'Espanyol Barcelone. Il fallait faire attention aux supporters souvent enclins à manifester leur joie de manière pressante avec des chants particulièrement hostiles aux autres (supporters). Dans les rues de la ville, au milieu de la nuit, il pouvait sentir respirer Séville. De lentes inspirations régulières, comme si le sommeil des habitants venait par inadvertance cheminer jusqu'à lui. Il humait l'air d'une cité qu'il ne connaissait pas et à chaque pas, ou presque, il venait buter contre un sentiment léger de solitude. Sa solitude. Celle qu'il redoutait et désirait en même temps. Un mal nécessaire. Pour son travail il était toujours d'une précision et d'une méticulosité parfaite. Il passait du temps, beaucoup de temps à étudier chaque paramètre de son objectif. Il vérifiait les circonstances et le matériel en permanence. Il évaluait, estimait et calculait tous les angles possibles. Pas un détail ne devait lui échapper. C'était à ce prix qu'il savait pouvoir faire le meilleur ouvrage. Il avait dormi trois heures. Il lui en fallait parfois plus pour être parfaitement opérationnel. Chaque matin il pratiquait des exercices pour maintenir son corps en parfait état : deux cents pompes, cinq cents abdos puis à nouveau deux cents pompes. Son réveil musculaire s'accompagnait également de katas d'aïkido et de karaté maîtrisés depuis des années. Le matin la ville est presque éteinte, la plupart des commerces n'ouvrent pas avant 11h00, parfois c'est 17h00. Dans la rue Trajano, seuls les bars et restaurants sont ouverts. Il peut voir en terrasse quelques jeunes peut-être entre deux cours qui semblent s'ennuyer. Il se revoit à leur âge dans le troquet près du lycée, pendant les cours qu'il séchait allègrement avec Sebastian et Daniel. Aussi cette fille, une grande, très grande. Il a oublié son nom. Il marche encore un peu. Il va arriver en avance. Il se demande si Elena sera aussi là en avance. Il s'arrête devant une pharmacie. Ouverte. Il rentre et regarde dans les rayons s'il trouve ce qu'il cherche. Il ne trouve pas. Il ressort. Sans un mot. El Corte Inglés est encore fermé, il regarde les immenses téléviseurs en vitrine. Il reprend son chemin. Il va vraiment être en avance. Il la voit. Elle est déjà sur le pont et regarde le fleuve. Il n'est pas 9h00. Il n'est pas surpris. Il avance sur le pont et bien avant d'arriver près d'elle, elle se tourne vers lui et lui sourit. Elle porte un ensemble veste pantalon noirs, plutôt ajusté. A ses pieds un grand sac, noir également, en nylon, semblant plein.
- Prêt ? elle demande.
- Par où commence t-on ? il demande.
- Giovanni Lazzarini. Italien. Cinquante-deux ans. Il a vendu des armes à la terre entière et il...
- Je sais qui il est.
- Tu ne sais pas qu'il sera à Séville dans cinq jours. Lui-même ne le sait pas.
Elle lui tend un papier plié en deux. Il le déplie et lit : adrian.saban.5578@anisa.com